Bill se recouvrit de la cape de Poufsouffle, dévala les escaliers du château, traversa le hall sur la pointe des pieds puis descendit les marches jusqu’à la pelouse. Le soleil s’était déjà couché, mais on pouvait apercevoir une fine couche d’or entourer les plus hautes branches des arbres du parc. Il courut en direction de la lisière de la forêt dans le but de trouver des ingrédients pour la potion qu’il devait concocter au cours de Rogue.

Un panier dans la main et sa baguette magique dans l’autre, Bill n’avait pas la moindre idée de la dangerosité du lieu. Pour lui, il n’allait pas dans la forêt interdite, mais simplement dans la continuité du parc. Il avait bien sûr entendu le discours de Dumbledore à ce sujet, mais il avait compris que la forêt interdite était extrêmement loin et barricadé par des trolls. En somme, une très mauvaise compréhension du sujet – il n’avait pas qu’à faire le pitre au moment où le directeur donnait les consignes de début d’année.

Bill scrutait le sol à la recherche de gros champignons dorés et tâchés de cyan. Malheureusement, il ne trouvait pas et l’heure défilait. Il faisait complètement sombre, le chemin était de plus en plus étroit et des bruits étranges, sourds, commençaient à se faire entendre.

Surpris, Bill écarquilla les yeux, son panier toujours vide en main. Il essaya de se souvenir par où il était venu et… Crac. Crac crac crac.

- Wow… Par la barbe de Dumbledore… murmura t-il, sentant la panique l’envahir.

Concentration, concentration, concentration. La sortie ne devait pas être bien loin. Un océan de pensées lui traversa l'esprit - et si c'était une goule ? Il faut courir vers la gauche, pensa t-il. Et si c'était... le directeur ? Je me cache derrière cet arbre, se rassura t-il en regardant le grand chêne.

Crac. Crac. Crac.
Il mit sa main sur sa bouche et se baissa, les jambes tremblantes.

Pour la sixième fois, cette année, Enska avait écouté avec attention le discours de bienvenue du directeur. Et pour la sixième fois, elle avait ri intérieurement aux mises en garde de ce dernier, ainsi qu'à celles de Rusard. Pensaient-ils réellement être assez effrayants pour dissuader les plus curieux d'entre eux? Bien sûr que non.
Ce soir-là, Enska avait veillé tard, dans la salle commune des Serpentard. Elle avait attendu qu'elle soit déserte et silencieuse pour ouvrir la porte cachée qui l'ouvrait sur le couloir. Ave, son gros chat blanc, était parti en éclaireur dans les couloirs et Enska l'avait suivi à pas feutrés, équipée de sa baguette et vêtue chaudement. Se balader dans le château aux heures prohibées était un petit plaisir qu'elle s'offrait quelques fois par mois, autant pour se rendre à la bibliothèque qu'à la tour d'Astronomie (quand il n'y avait pas cours, bien entendu). Mais ce soir, elle franchi la Grande Porte et dévala la pente qui menait à la Forêt Interdite. Ave trottinait devant elle, sa queue touffue pointée vers le ciel.

Lumos ! formula-t-elle en marchant de plus en plus loin vers le coeur de la forêt, là où les lumières du château n'éclairaient plus rien.
Après un moment et plusieurs dizaines de mètres parcourues, un mouvement attira l'oeil de la jeune fille. Enska tendit l'oreille et regarda à ses pieds : elle soupçonna que les craquements qu'elle entendait étaient le fruits de mouvements de Botrucs. Mais elle ne vit rien.

- Wow... Par la barbe de Dumbledore...

Enska sursauta et scruta les ombres tout autour d'elle, le bras tendu droit devant elle et sa baguette prête à lancer un sort pour se défendre.

- Qui est là? demanda-t-elle avec autorité.

Elle s'avança vers les arbres et, caché derrière un buisson, vit une tête blonde dépasser. Sans délicatesse, elle en saisit une mèche et força le propriétaire à se relever, tout en pointant une baguette menaçante sur lui.

- Scobahull ! s'exclama-t-elle avec un soupir de soulagement. Qu'est-ce que tu fabriques ici, à cette heure-ci?

Bill Scobahull était un Poufsouffle de quatrième année dont la réputation de crétin crédule n'était plus à faire. Elle ne s'inquiétait donc pas d'avoir à justifier sa propre présence devant lui.

Le jeune garçon se retint d’hurler quand il sentit quelque chose lui tirer les cheveux, l’obligeant à se relever. Il ouvrit cependant les yeux lorsqu’il il entendit la voix. Il se sentit tout de suite soulagé, même s’il venait de se faire attaquer. Au moins, ce n’était pas une goule… et encore moins le directeur de l’école.

- Oh par la barbe de… Enska. C’est donc toi ! s’exclama-t-il en appuyant bien le toi. Il lui fit un grand câlin. La blonde n’était pas son ami mais il était tellement content qu’il aurait pu lui offrir tous les gallions du monde. Il continua : Je suis à la recherche d’ingrédients pour ma potion. J’ai un devoir et Rogue n’appréciera pas si je n’ramène pas les champignons hypnotiques.

Il la regardait avec des étoiles dans les yeux. Peut-être était-elle assez douée pour trouver les ingrédients et qu’elle allait l’aider. Si deux minutes avant le garçon pensait mourir, il s’imaginait déjà à parcourir la forêt en compagnie de la Serpentarde.

- Il y a plein de bruits bizarres ici. Je pensais que le parc était calme. Je n’sors pas souvent la nuit ! confia-t-il avec un petit sourire. Tu veux bien m’aider du coup ? demanda t-il en levant son panier au nez d’Enska.

Bill souffla un coup, observant les alentours. J’ai eu une des ces peurs… se dit-il, un sourire niais aux lèvres et le regard émerveillé. Secouant de nouveau le panier à quelques centimètres du visage d’Enska, il la regarda.

- Et toi tu fais quoi ici ? Tu viens chercher des ingrédients aussi, non ?

Par la barbe de merlin, j’ai vraaaaiment de la chance… Elle va pouvoir m’aider et en plus de ça.. Pourquoi elle me regarde comme ça… J'espère qu'elle connaît la sortie au moins... Sinon on va rester ici toute la nuit... Que de problématiques pour une si petite tête.

Enska ne fut pas surprise que Bill la reconnaisse également : ils s'était déjà croisés quelques fois. En revanche, elle s'était pas du tout attendu à une réaction aussi... chaleureuse, de la part du Poufsouffle. Grimaçant, elle mit sa main sur le visage du jeune garçon et le repoussa assez pour qu'il la lâche.

- Des... champignons hypnotiques? répéta-t-elle, incrédule. Tu cherches des champignons hypnotiques, en pleine nuit, dans la Forêt Interdite?

Les yeux écarquillés, elle observait le garçon comme s'il était venu d'une autre planète. Puis elle éclata de rire. Elle rit tellement qu'elle se retrouva pliée en deux, les larmes ruisselant sur ses joues, avant de pouvoir à nouveau faire face à Bill.

- Oh, Bill... mon petit Bill, commença-t-elle avec une pointe d'affection dans la voix ; quelque chose dans le visage de Bill Scobahull agissait comme un contre-sort aux sentiments négatifs. Tu as de la chance qu'il ne te soit rien arrivé ! Tu te rends compte que des loups-garous, des centaures, et toutes autres sortes de créatures dangereuses pour les sorciers vivent dans cette forêt et qu'elles ne seraient pas franchement ravies de t'y trouver?

Elle avait repoussé le panier que Bill agitait sous son nez et guetta encore une fois les alentours. Les craquements qu'elle avait entendus quelques instants plus tôt n'étaient visiblement pas seulement dus aux pas de Bill.

- Ecoute, Bill, il faudrait mieux que tu rentres au château. Cette forêt porte son nom pour suffisamment de raisons... En ce qui concerne les champignons, rassure-toi, les ingrédients tels que les champignons hypnotiques sont fournis par l'é...

Mais avant qu'elle put finir sa phrase, Enska fut interrompue par des bruits de plus en plus forts.

- MILLES GORGONES ! fit une voix criarde.

Enska pointa le faisceaux lumineux de sa baguette dans la direction de la voix. Elle sourit avec ravissement à la vue d'un magnifique Chartier en train de creuser un terrier.

- C'est pour ce genre de choses que je viens ici, moi... murmura-t-elle à Bill.

Nox ! pensa-t-elle. D'autres bruits se firent entendre : plus forts que ceux d'un Chartier en train de creuser son trou. Elle ne ralluma pas sa baguette. Si quelque chose nous cherche, autant lui rendre la tâche plus compliquée!

La forêt interdite ? Bill écarquilla les yeux, incrédule. Qu’est-ce qu’elle était en train de lui raconter ? Des créatures dangereuses ? Il haussa les épaules, ne sachant plus trop quoi répondre et abaissa son panier.

- Mais non mais non, il faut pas qu’on rentre au châ… disait-il en même temps qu’Enska.

Et, comme elle, il se tût, interrompu par des jurons. Bill lâcha instinctivement son panier et s’accrocha au bras de la blonde. Il se cacha derrière elle, dévoilant juste sa tête pour observer ce qu’il se passait. Pointant le faisceau lumineux de sa baguette, Enska lui montra ce dont il s’agissait. Et soudainement, elle éteignit son sortilège de lumière.

- Mais… tu as une passion pour des furets qui parlent, Enska ? C’est fou ça ! balbutia t-il, observant avec intérêt les petites créatures, la bouche en « o ». Il ne comprenait pas bien ce qu’ils scandaient, mais visiblement, ils étaient mal élevés !

- POMPE A BOUSE DE DRAGON ! ALLEZ, ON CREUSE ! vociféra l’un d’eux.

Choqué, Bill commença à tirer le bras d’Enska en arrière. Et c’est lorsqu’il sentit quelque chose fourmiller dans ses cheveux qu’il poussa de toutes ses forces la fille en direction des chartiers, les bras gesticulant dans tous les sens.

- AH, PAR LA BARBE DE… AH ENLEVE MOI CA, ENSKA ! s’écria-t-il en sautillant sur place, une grimace d’horreur gagnant son visage.

Il finit par passer courageusement sa main dans ses cheveux et en extirpa un parasite ressemblant à un champignon rose.

- Quelle horreur, c’est un horglup. Je crois que j’en suis allergique ! cria-t-il en jetant la bête par terre. Il l’écrasa ensuite de toutes ses forces et sourit à Enska. Il se gatta l’arrière de la tête. Euh alors, tu observes quoi de tes petits furets ? demanda-t-il comme si rien ne s’était passé.

Bill s'attendit à la pire des réactions, c'est pourquoi il ne fit pas attention au bruit de pas de plus en plus présent autour d'eux...

Enska leva les yeux au ciel quand Bill l'interrogea sur sa passion pour les furets. Visiblement, le garçon ne savait pas faire la différence entre un simple furet et un rare Chartier. Elle était sur le point de le réprimander quand elle se sentit projetée en avant, trébuchant sur une racine de l'arbre sous lequel les créatures cherchaient à établir leur terrier.

- NON MAIS ÇA VA PAS, ESPÈCE DE DÉGÉNÉRÉ DU BULBE ? hurla-t-elle en même temps que Bill braillait comme un détraqué.

Elle s'était retenue de tomber en appuyant une main contre le tronc et jetait un regard effaré à Bill. Juste avant qu'il ne l'écrase, elle aperçut un minuscule Horglup aux pieds du jeune garçon.

- Ne l'écrase p... voulut-elle lui ordonner, mais il était déjà trop tard.

Furieuse envers lui, elle s'avança et le bouscula en le frappant sur la poitrine de la paume de sa main. Des cheveux d'un blond argenté étaient venus se coller aux joues rosies de la Serpentard. Elle fulminait.

- CE NE SONT PAS DES FURETS, MAIS DES CHARTIERS : ILS SONT TRÈS DIFFICILES A OBSERVER ET TU AS TOUT GÂCHÉ !

Enska agrippait fermement sa baguette, mais s'obligea à la garder baissée : elle aurait été capable de réduire le Poufsouffle en cendres, à cet instant.

- Tu ferais vraiment mieux de rentrer au château, Bill. Tu risques de te faire attaquer par des Horglup venus venger leur défunt. Et je préfère ne pas imaginer l'état de ton cadavre, après une telle rencontre... surtout si tu es allergique, conseilla-t-elle d'un ton doucereux avec un sourire hypocrite.

Lumos ! Avec le boucan qu'ils venaient de créer, plus rien n'empêcherait à ce qui leur tournait autour depuis plusieurs minutes déjà de les trouver. Autant le voir venir.
Elle passa sa main dans le dos de Bill et y exerça une légère pression pour le faire avancer sur le chemin qui le ramènerait dans le parc. Mais elle fit volteface quand elle sentit plus qu'elle ne vit des yeux qui les scrutaient. Elle entendit également le son de branches qu'on écartait.

- Sors ta baguette ! commanda-t-elle à Bill dans un chuchotement pressé. Qui est là?

Elle dirigeait la lumière de sa baguette vers un arbre, non loin du buisson dans lequel s'était caché Bill, tout à l'heure.

Bill posa une main sur sa poitrine lorsqu’Enska le bouscula. Puis son visage se crispa tant il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui fasse aussi mal
.
- Aïe… Désolé... Je n’savais pas, moi…  Ca ressemble tellement aux…

Il se tut, interloqué par les recommandations de son interlocutrice.

- Une armée d’horglup… ? Vraiment ? J’sais plus si j’en suis allergique balbutiait-il en même temps qu’elle parlait. Par la barbe de merlin, une armée d'horglup...., lâcha-t-il en avançant doucement, sentant la pression de la main d'Enska.

Il observait le sol, s’imaginant dépérir et dégusté par des milliers d’horglups. Il interrompit le cours de ses pensées et un frisson glacé lui parcourut la colonne vertébrale. Enska venait de lui demander de sortir sa baguette.

- Enska… Qu’est-ce que… Je commence sérieusement à flipper, chuchota-t-il en sortant sa baguette magique.

Les jambes tremblantes, il fit volteface à son tour, s’agrippant de l’autre main au bras de la fille. Quatre créatures aussi étranges les unes que les autres sortirent des feuillages, les pinces en avant. L’une d’elle sauta sur la jambe de Bill, s’accrochant de ses griffes acérées. Il hurla de douleur, tirant en même temps le bras d’Enska dans tous les sens et sautillant sur place afin de dégager la bête.

- S’il te plaaaaaaaait…

Alors que les trois autres avançaient dangereusement vers eux, Bill prit une profonde inspiration et les visa.

- Expulso ! cria-t-il de toutes ses forces.

L’autre, toujours accrochée à sa jambe, relevait sa queue venimeuse, prête à blesser davantage.  Bill l’observait, tétanisé.

- Enska… murmura t-il, aux bords des larmes.

Bill avait planté ses ongles dans le bras d'Enska et ne semblait pas vouloir s'en décrocher. Soit. Le gamin n'avait qu'à se réfugier derrière elle, elle saurait faire face.
Les créatures émergeaient d'entre la végétation, le dard levé, prêtes à attaquer, répandant autour d'elles une odeur franchement dégoûtante de poisson pourri. Avant qu'elle n'ait le temps d'arrêter son geste, Bill leur envoya un sortilège étonnamment puissant. Trois d'entre elles valsèrent à plusieurs mètres en arrière, mais elles ne tarderaient pas à revenir, plus furieuses encore. C'est seulement quand elle sentit son bras s'agiter dans tous les sens qu'Enska remarqua qu'une quatrième bête s'en était prise à la jambe du pauvre garçon, l'enserrant de ses pinces puissantes. Elle essaya de garder son calme.

- Bill, cesse de t'agiter, tu ne fais que l'énerver davantage, conseilla-t-elle, plus tendue qu'elle ne l'aurait voulu.

Enska ne connaissait pas ces créatures à l'apparence répugnante qui ne permettait aucun doute sur leur dangerosité. Face à l'inconnu, elle improvisa.

- Impedimenta ! lança-t-elle en prenant soin de viser le ventre de la bête.

Par chance, la créature s'immobilisa, dégageant la jambe de Bill. Mais il était blessé et Enska eut l'impression de voir du venin couler sur sa peau. Derrière les buissons, des jets de lumière disparaissaient aussi vite qu'ils apparaissaient et des bruits inquiétants les accompagnaient ; les trois autres revenaient à la charge. Enska poussa Bill à terre, derrière la créature immobilisée.

- Impedimenta ! Impedimenta ! Impendimenta ! cria-t-elle en agitant furieusement sa baguette.

Après plusieurs essais, alors que sa robe venait de se faire roussir, elle parvint à paralyser les trois bêtes. Sans faire attention à son propre état, elle alla glisser un bras sous les aisselles de Bill pour le soutenir alors qu'il se relevait avec difficulté ; sa jambe devait être douloureuse.

- Je vais t'emmener à l'infirmerie. Qu'est-ce que ça pouvait être, comme bestioles? s'interrogea-t-elle, mi-effrayée, mi-fascinée. Bien joué, ton Expulso, au fait. Vraiment doué, pour ton âge !