Si tu devais affronter un détraqueur
Il fut un temps, sûrement, Theodore aurait fui. Il ne s'agit pas là d'une question de lâcheté, non. Au contraire. Plutôt... disons, d'un instinct de survie, particulièrement marqué lorsque l'on provient d'une famille aristocrate dont le sang est plus souvent sur les mains d'un ennemi que dans les veines de ses membres. Theodore a grandi dans la peur. La peur de son père et de ses violences, la peur de la mort, après celle de sa mère, la peur d'un Lord Noir qu'on lui a dit de craindre sans lui expliquer qui il était vraiment. Rapidement, ces peurs se sont mêlées pour créer en lui ce que son géniteur appelle une honte, ce qu'il appelle son indépendance ; ce que le commun des sorciers appelle l'instinct de survie.
Les temps changent.
En troisième année, Potter s'est trouvé être capable de réaliser un Patronus, sortilège que de nombreux sorciers ont du mal à pratiquer. Et ce fait a passablement titillé l'ego de Theodore. Non, plus sincèrement, cela l'a mis dans une rage profonde. Comment ce Gryffondor attardé s'était-il trouvé capable de réaliser quelque chose que Theodore n'avait lui-même jamais envisagé ? Il lui a fallu longtemps, trop longtemps sûrement, pour sa propre fierté – qu'il console en se disant que lui a dû apprendre seul – mais il est désormais capable de repousser, non sans mal, ces foutus détraqueurs. Il faut dire que les souvenirs joyeux ne sont pas ce qui court le plus dans sa tête, au contraire. Mais quand il arrive à entrevoir le visage de sa mère souriante, alors qu'il n'était encore rien d'autre qu'un môme, le filament gris, brillant, s'étire doucement, jusqu'à devenir un rouge-gorge, un peu plus grand que la moyenne, sûrement, tournant autour de lui en sifflant des airs enfantins.
Si tu devais rencontrer un épouvantard
Theodore se souvient très bien de ces étranges créatures. Troisième année, défense contre les forces du mal, professeur Lupin. Sincèrement, comment oublier ce genre de rencontre ? Les tripes qui se serrent, les mains qui tremblent, les yeux, grands ouverts, alors que la partie censée de l'esprit refuse, elle, refuse de voir. Les yeux grands ouverts, posés sur le regard vide de maman, maman morte, maman trop pale et vide de sang. Maman sans ride qui jamais n'en prendra une. Maman immobile, maman silencieuse, maman qui ne dit pas à son petit Teddy à quel point elle l'aime. Maman au visage reflétant la douleur. Maman plus là.
Et le petit Teddy, que maman aimait tant, et qui ne peut rien faire.
Même pas rire – surtout pas rire – pour faire disparaître la terrible vision.
Si tu étais devant le Miroir du Risèd
Theodore ne songe pas souvent à ce qu'il désirerait. Il songe à ce que son père souhaite pour lui, afin de faire le contraire, et songe à ce que maman aurait aimé qu'il fasse, et tente de s'y conforter au mieux, parce qu'ils sont les deux seuls modèles – en bien ou en mal – que Theodore n'ait jamais eu. Finalement, ce miroir aiderait peut-être Theodore à se concentrer sur lui-même, non plus faire de sa vie le meilleur moyen de faire chier un vivant et de plaire à une morte.
Peut-être y verrait-il maman, alors, maman, toute proche de lui, le serrant dans ses bras, dans un pays lointain, loin de toute cette haine, cette jalousie, ce ressentiment. Loin de cette guerre dont il se fout, de ces héros et de ces méchants qui ont tout en commun et ne s'en rendent pas compte. Loin de ces gens qui aiment son sourire, dont lui n'aime que l'absence. Loin de cette torture morale qu'est la simple présence de son père. Et loin de toutes ces idées qui lui embrouillent l'esprit, qui veulent l'assassiner, qui le font se vomir lui-même.
Si tu étais Ministre de la Magie
Il se trouve qu'ôter ce « si » serait sensiblement plus représentatif de la confiance en soi de Theodore. Disons que s'il en avait vraiment, sincèrement l'envie, il ne douterait point de sa capacité à parvenir à la tête du monde magique. Un peu de charisme, un sourire séduisant, deux ou trois idées plaisantes ; tout cela est bien suffisant pour devenir Ministre de la Magie. Les sorciers n'ont pas besoin de beaucoup plus pour se faire embobiner. Moi suffit même, il n'est pour prouver cela qu'à voir Fudge. Avec tout le respect, pour sûr, que Theodore lui doit.
Si Theodore avait accès aux pleins pouvoirs, la première chose qu'il ferait serait certainement de manger des pâtisseries à longueur de journée. Des pâtisseries le matin, le midi, au goûter et le soir, bien à l'abri dans son bureau, livrées par une élégante secrétaire, polie et silencieuse. Theodore aime, adore manger des sucreries, mais son éducation l'empêche de le faire en public. C'est sans doute le plus grand manque qu'il puisse ressentir du fait de la vie en dortoir. Manger des pâtisseries.
Après, sûrement, quelques deux ou trois mesures qu'il juge importantes. Assurer la suprématie des sorciers sur les moldus, dans les discrétion. Empêcher la stigmatisation des espèces inférieures telles que les hybrides, les nés-moldus, si ceux-ci montrent de grandes qualités capables de servir le monde sorcier. S'immiscer sensiblement dans le programme éducatif de Poudlard. Faire enfermer son père à Azkaban.
Si tu devais raconter une anecdote importante
Theodore avance, doucement, dans un couloir du château. Il a treize ans, à peu près, un peu plus de quelques jours. Dans sa tête, il chantonne un air que maman lui chantait quand il était enfant. Son pas résonne contre la pierre froide dont Poudlard est pavé. Persuadé d'être seul, il ne prend plus garde aux précautions d'usage, celles qui à l'habitude font plus de lui un fantôme qu'un élève aux yeux des autres. Il aurait presque pu chantonner à voix haute, si cela ne lui avait fait ressentir une honte étrange et perçante à son propre égard. Il ne peut se permettre la même futilité que les autres, tous ces autres qu'il ne veut jamais devenir.
Un bruit, désobligeant, qui fait naître un inopportun malaise dans les poumons du jeune garçon. Il n'aime pas l'impromptu, cette sensation de se faire surprendre alors qu'il ne devrait être vu.
Il redevient fantôme.
Et son silence à lui est briser par cet autre bruit qu'il veut comprendre, maintenant qu'il l'a considéré. Il s'approche de l'origine, mu par une intrépidité que seule sa curiosité est capable de lui offrir, une curiosité insatiable, ce besoin de connaitre, de comprendre, d'expliquer à peu près tout ce qui peut l'entourer. Il y est presque, il le sent, il ne connait que trop bien cette sensation d'effleurer du bout du doigt la résolution d'un épineux problème.
Il tourne l'angle, et il y a ces deux gars, un peu plus vieux que lui, un Serdaigle et un Gryffondor, à une distance que la bienséance que Theodore a apprise ne peut que répugner. D'abord, instinctivement, cette chaleur au creux des reins. Puis un dégoût, un dégoût profond pour cette situation anormale que ces yeux ne sauraient voir. Un sale goût dans la bouche, et un élan d'adrénaline, cette fois-ci offert non par sa curiosité, mais par son intolérante connerie. « Vous n'avez pas honte ? » Et leurs lèvres qui se détachent, et lui, qui respire mieux, sans vraiment comprendre pourquoi.
A la fin de l'année, les deux ont quitté Poudlard. Dans l'esprit de Theodore, l'image, elle, n'est que trop restée.
Si tu parlais de tes rapports avec les autres
Theodore n'aime pas vraiment les autres. Il a quelques camarades qu'il apprécie, de temps en temps se sent attiré, ou se convainc de l'être, par une fille, deux trois personnes qu'il estime, encore moins qu'il admire, et le reste, dont il se moque éperdument. Les gens tendent à dire de lui qu'il est renfermé, quelqu'un d'un peu plus précis préférerait dire désintéressé. Et à force de l'être à l'égard des autres, à son plus grand plaisir, la réciproque s'est révélée être vraie aussi.
Theodore, c'est ce garçon que l'on ne voit pas lorsqu'il passe à côté de nous, parce qu'il ne parle pas, ne renifle pas, de grogne pas, n'éternue pas. Il ne fait même pas le moindre bruit de pas. Theodore est un garçon silencieux, muet selon certain. Il ne trouve simplement pas d'intérêt à prendre la parole pour s'adresser à la plèbe. Distant, désagréable, les gens se lassent finalement assez vite de lui, presque aussi vite que lui des autres. Il n'est que rarement entouré, ne reconnaît que rarement la valeur de quelqu'un, n'aime que peu adresser la parole à quiconque. Parler le met mal à l'aise.
Mais quand il a un ami, quand il reconnaît quelqu'un à sa juste valeur, quand il daigne discuter avec une personne, il le fait avec une passion suffisante pour faire briller ses yeux d'un éclat heureux.
Autre chose à ajouter te concernant ?
Theodore est un sang-pur fier de sa condition. Theodore sait que les sang-purs sont supérieurs aux autres, mais il ne nie pas le fait que certains êtres inferieurs puissent avoir des qualités leur donnant une dignité. Theodore est égoïste. Theodore aime la musique classique. Theodore aime les traditions. Theodore est homophobe. Theodore est homosexuel. Theodore parle souvent avec son chat. Theodore adore les pâtisseries. Theodore est très intelligent, bon élève en cours. Theodore aime tout particulièrement les runes et l'astronomie. Theodore aime le silence. Theodore a une très mauvaise vue. Theodore ne l'admet pas, mais il est fasciné par la technologie moldue.