Les bras dessus, bras dessous, Bill et Nebuula descendirent les marches menant au parc pour rejoindre Enska. Les deux s’étaient affrontés juste avant dans un duel burlesque, à la limite du ridicule, aux sous-sols de l’école.

Le jeune garçon ne quittait plus son sourire radieux, sautillant et tirant le bras de son amie. Elle, n’avait toujours pas perdue son allure quelque peu éméchée. Leurs cheveux roses virevoltaient alors qu’ils couraient vers un grand chêne où Enska, la jeune blonde de Serpentard, était tranquillement installée.

Bill savait qu’elle y était puisqu’avant le duel il l’avait croisée en train de feuilleter un gigantesque bouquin. Il ne savait pas si elle avait terminé sa lecture mais peu importait : il fallait lui montrer leur cheveux roses. Et lui raconter le duel dans son in-té-gra-li-té !

- Enska, Enska, Enska ! s’écria le jeune garçon tout joyeux en tirant encore plus fort le bras de Nebuula, l’invitant à se rapprocher un peu plus.

Il s’abaissa pour déposer une bise sur la joue de la fille et se releva en rigolant de plus bel.

- Tu as vu nos têtes ? C'est archi fantastique ! Tu trouves pas ?! lui demanda-t-il en savant pertinemment qu’elle avait vu la couleur rose pétard depuis l’entrée du hall.

- J’ai battu Bubulle ! finit-il, tout fier, en serrant très fort Nebuula.

Il recula puis étira ses bras en arrière.

- Pfiouuuu… Bubulle, tu devrais te mettre un peu au soleil pour sécher !

Il pouffa derrière sa main. Nebuula s'était en effet mouillé lors du duel.

Heureusement pour Nebuula, Bill la tenait fermement, sinon elle aurait sûrement vécu de magnifiques gamelles, pendant qu'il l'a trainait presque pour rejoindre Enska dans le parc. Mais surtout, elle n'arrivait à s'arrêter de rire, c'était tout simplement grotesque. Dans son sac, plusieurs bouteilles de Bièraubeurre s'entrechoquaient vivement, et elle avait hâte de boire un coup avec ses amis. Ne se souciant pas le moins du monde de la réaction d'Enska, elle lui fit un petit signe de la main en gloussant avant de plaquer ses cheveux détrempés vers l'arrière.

-Mon cher hérisson, c'est entièrement de ta faute si je suis trempée ! Une Bièraubeurre ?

Proposa-t-elle, avec un sourire un peu lent, en sortant trois bouteilles de son énorme sac de cours. Elle se jeta littéralement par terre, à côté de sa meilleure amie.

-Enska, ce blaireau est plus coriace qu'il en a l'air... Tu te rends compte que tout ce dont j'ai été capable de lui infliger, c'est ces foutus cheveux roses ? Et en plus il m'a rendu la pareille !

Elle lança un regard dépité à sa chevelure, dont elle adorait la couleur naturelle. Nebuula se demanda alors comment Liam réagirait en la voyant les cheveux aussi roses... Cette simple pensée la fit éclater de rire et elle se jeta sur Bill pour le chatouiller.

Enfin débarrasser de la montagne de devoirs qu'elle avait pu accumuler, Enska avait voulu profiter du temps encore estival de cette après-midi. Elle avait bien tenté de contacter Nebuula pour passer du temps en sa compagnie, mais la rouquine était restée introuvable. La Serpentard avait alors décrété qu'elle s'installerait contre le tronc d'un arbre, en seule et bonne compagnie d'un livre concernant les créatures magiques.
Elle venait tout juste de resserrer un peu sa cape autour de ses épaules, un coup de vent frais l'ayant faite frissonner, quand elle entendit une voix fluette scander son prénom. Enska leva les yeux au ciel avant de les tourner vers le bruit, qui était très certainement annonciateur de la fin de son moment de tranquillité. Ce qu'elle vit alors la fit soupirer, lassée. Bill Scobahull tirait derrière lui une Nebuula Murphy chancelante, probablement ivre. Et tous deux arboraient une chevelure rose répugnante. La même teinte que les tiens, après ce duel foireux. Elle se laissa faire, lorsque Bill se pencha pour déposer un baiser sur sa joue, rien ne servait de se débattre.

- Fan-ta-stique, Bill. Vraiment gé-nial, dit-elle d'une voix morne.

Elle ne put cependant pas effacer le sourire qui s'était dessiné sur son visage, la situation était plutôt comique, il fallait le reconnaître.

- Eh ben, félicitations, Billou. Mais vu vos têtes, j'aurais plus envie de dire que vous êtes tous les deux perdants... Mais ce n'est que mon avis !

Riant alors, elle attrapa Bill par le bas de son t-shirt et l'attira vers elle, lui faisant perdre l'équilibre. Il se vautra sur elle en même temps que Nebuula se laissait tomber à plat ventre à côté d'eux, trois bouteilles de Bièraubeurre en main. Enska repoussa doucement Bill et arracha les bouteilles des griffes de sa meilleure amie qui s'était mise à chatouiller le Poufsouffle.

- Confisqué ! Tu as l'air d'avoir bien assez bu pour la semaine à venir, jeune fille, déclara-t-elle.

Enska prit garde de mettre son livre en sécurité, loin derrière les chahuts, puis posa deux bouteilles contre le tronc de l'arbre avant d'ouvrir la troisième.

- A votre santé, heimsk fólk !

Elle trinqua dans le vide et porta le goulot à ses lèvres ; un peu d'alcool ne pourrait que l'aider à supporter les deux andouilles aux cheveux couleur bubblegum.

Tove était ce jour là, en mission. Une mission très sérieuse et de la plus haute importante. Il marchait d'ailleurs dans les couloirs avec l'air d'un héros solitaire avec un but ultime, et les autres élèves s'écartaient sur son passage. Bon, ce point avait peut-être un rapport avec la tonne de matériel qu'il trimbalait, et que la plupart n'avaient jamais vu. Des perches et micros et un appareil photo d'un age avancé, d'autres machins bizarres scotchés les uns aux autres, le tout bourdonnant des sortilèges qu'il avait lancé dessus.
Il sortit dans le parc. Les conditions étaient, bien sûr, idéales. Il avait tout prévu. Il avait tout pris en compte, la météo, l'alignement des planètes, la rotation terrestre. Avait fait des calculs savants pour savoir quel serait le meilleur emplacement d'écoute. Et il avait trouvé. Il devait se placer. Sous cet arb-
Oh non, il y avait des gens sous son arbre.

Il n'eut pas beaucoup de mal à reconnaître les trois silhouettes. Enska Storminn et Nebuula Murphy, les préfètes parfaites, en compagnie de son disciple. Il avait beau savoir que Bill était ami avec ses deux là (avec qui Bill n'était pas ami, d'ailleurs?), ça ne l’empêchait pas de trouver cette situation frustrante.
Bon, il y avait aussi le fait qu'ils étaient tous les trois affalés dans l'herbe, et que deux d'entre eux avaient les cheveux couleur chewing-gum.
Tove s'approcha d'un air aussi nonchalant que possible, trimbalant toujours ses affaires.

« Hey, les enfants. Il est interdit de forniquer sur la pelouse. Décret ministériel numéro Six-mille quatre-cent dix-huit. »

Regard rapide sur les trois loques. Murphy et Bill pris d'un fou rire et Storminn bouteille en main. Oh. D'accord. Ils étaient tous complètement pétés.
C'est pas que Tove aimait pas l'alcool, hein. Lui et la boisson avaient une relation toute particulière d'amour vache. Et un truc magique dans ce château, c'est que tout le monde l'invitait dès qu'il y avait moyen de se bourrer la gueule. Tout le monde semblait oublier que dans ces moments là, il finissait TOUJOURS avec la tête au fond des toilettes. Et encore plus magique, il acceptait à chaque fois. Quel thug, ce Tove.

Il se pencha pour attraper la bouteille des mains d'Enska et boire une rapide gorgée avant de lui rendre.

« Oh, oups, désolé, baiser indirect. » dit-il en ayant l'air pas désolé. « Bon. Y a moyen que vous vous rouliez quelques mètres plus loin ? J'aurais besoin de l'endroit où vous êtes assis. Désolé. »

- Mais non, c'est Nebuula qui a perdue, insista le jeune garçon en regardant Enska, les sourcils froncés.

Il perdit ensuite l'équilibre, emporté par la blonde, se retrouvant par terre avec elles, les doigts de Nebuula chatouillant son petite ventre.

Tandis qu'il explosait de rire, Enska piqua les boissons et Bill, après un effort surhumain, réussit à s'extirper de la Gryffondor pour s'installer, le sourire aux lèvres.

A son tour, il prit une bièraubeurre et avec l'aide de la Serpentard, il l'ouvrit pour boire une gorgée. Bill n'avait jamais goûté cette boisson. La découverte était plutôt très satisfaisante, le gout sucré de la bierre coulant dans sa gorge jusque là asséchée.

- Santé mes amies ! dit le jeune blond dans un rire.

Il récupéra la troisième bouteille et la tendit à Nebuula.

- Solidarité entre cheveux roses, chuchota t-il en faisant un clin d'oeil à Enska. Oh ça vaaa... ça lui fera pas mal de mal Enskaka !

C'était la première fois qu'il surnommait la blonde ainsi et ça lui plaisait plutôt bien.

Et ce fut à ce moment-même qu'une voix interrompit leur entreprise. Un garçon, grand, beau, avec tout un bric à brac survolant à ses côtés s'était pointé, l'air presque hautain.

Tove. C'était Tove.

Bill se retourna, les yeux écarquillés, les joues soudainement rosies. Il leur demandait de partir !

- Bonjour Tove ! balbutia le jeune blond en jetant un bref coup d'oeil vers ses amies. Il retourna son regard vers le grand Poufsouffle qui visiblement se servait de la boisson.

- Ça veut dire quoi... for ? Fnoriquer ? finit-il, la bouche entreouverte.

-Enska, chaton, je t'interdis de me priver de Bièraubeurre, j'en ai VRAIMENT besoin pour supporter mes cheveux là !

Elle ouvrit de grands yeux en faisant une grimace dégoûtée. Décidément elle n'avait vraiment pas eu de chance. Mais cela ne l'empêcha pas de rire avec ses amis, particulièrement heureuse d'être avec eux en une si belle journée. Sans se rendre compte, Bill lui glissa sa bouteille dans les mains, et elle lui adressa un sourire particulièrement tendre. Ce garçon était une crème, c'était ferme et définitif ! Bubulle lui fit alors une accolade pour le remercier et ouvrit sa bouteille lorsque Tove arriva, chargé comme un chameau. A peine eut-il ouvert la bouche qu'elle fronça les sourcils, mécontente. Pourquoi fallait-il qu'il dise tout le temps des âneries ? Et encore, elle aurait pu le supporter s'il n'avait pas en plus piqué sa bouteille à Enska. Poussant un soupir, elle farfouilla dans son sac pour tendre une nouvelle Bièraubeurre à sa meilleure amie.

-Laisse Billou d'amour, il dit des bêtises.

Elle bu une gorgée avant de se redresser, mais ne tenta pas pour autant de se relever, sachant pertinemment cela reviendrait plus à une épreuve olympique qu'autre chose, vu son état d'ébriété.

-Mon très cher Tove, comme tu peux certainement le constater par toi-même, car il me semble que tu as des yeux en parfait état de marche, nous étions là avant. Si tu voulais cet emplacement, il fallait venir plus tôt. Ou peut-être même qu'en disant 'Bonjour, s'il vous plait, merci beaucoup' tu aurais eu une petite chance. Elle croisa les bras et se tourna à nouveau vers ses amis. Voilà, tu peux disposer.

En fouillant dans son sac, elle sortit quelques chocogrenouilles qu'elle lança à Bill et Enska, bien décidée à l'ignorer jusqu'à ce qu'il parte. Nebuula détestait les gens malpolis. Surtout lorsqu'ils semblaient s'aimer autant que Tove s'aimait.

Enska soupira en voyant débarquer le préfet des Poufsouffle, suivi de tout son barda habituel ; elle l'avait déjà vu farfouillé dans le parc à plusieurs reprises, se demandant toujours ce qu'il pouvait bien fabriquer avec tout ça.

- Billou, forniquer, c'est ce que Tove fait avec tout ce qui bouge, fille, garçon, arbre ou animal. Je crois qu'il aime tout, murmura-t-elle dans l'oreille du petit blond.

Pendant ce temps, elle laissa Winch s'emparer de sa bouteille et, d'un air dégoûté, elle le regarda boire. Lorsqu'il voulut la lui rendre, elle ne bougea pas d'un pouce, bien décidée à ce qu'il la garde maintenant qu'il en avait léché le goulot.

- Merci Bubulle, dit-elle à la rouquine sans quitter le Poufsouffle des yeux.

Un sourire de plus en large se dessinait sur le visage d'Enska tandis qu'elle écoutait Nebuula envoyer balader Tove. Sa toute nouvelle bouteille de Bièraubeurre émit pshit bruyant quand elle la décapsula. Elle but une gorgée tout en acquiesçant aux paroles de sa meilleure amie à l'aide d'un hochement de tête.

- Ou alors tu t'installes avec nous et nous pouvons te planter ton matériel dans un endroit beaucoup plus approprié... suggéra-t-elle d'une voix à peine audible en déballant un Chocogrenouille que Nebuula venait de lui mettre en main.

Souriant à Tove d'un air faussement poli, elle posa sa bouteille dans l'herbe et se mit à tapoter l'herbe de sa main pour inviter le Poufsouffle à s'asseoir.

Il ne s'attendait pas vraiment un accueil chaleureux, de toutes façons. Mais c'est vrai qu'entre Murphy et Storminn, il était servi, en matière de rejet sauvage. Heureusement, l'état d'ébriété avancé de Bill et la Gryffondor rendait la situation plutôt gérable. Tove faillit éclater de rire à la question de Bill. Ce gosse vendait du rêve. Une telle innocence, c'était rare, de nos jours. Tove avait perdu la sienne bien avant sa quatrième année.
La Serpentarde le dévisageait, et glissa à l'oreille de Bill une remarque qu'il allait de toute évidence mal interpréter. Tant pis pour elle.

« Mais Nebuula Murphy, j'ai dit tout ça. 'Bonjour, s'il vous plait, merci beaucoup'. T'étais juste trop bourrée pour l'entendre. Je me demande ce que ton petit copain dirait. »

Il prit un air compatissant, comme si elle était particulièrement demeurée, mais fixait Enska en même temps. Il sourit devant l'air dégoutté qu'elle prit lorsqu'il but dans sa bouteille. Oh, il connaissait la fameuse technique d'école primaire : lécher la nourriture pour que personne d'autre n'en veuille. Il avait gagné une bouteille de Bierraubeurre ! Formidable.
Puis la blonde se mit à sourire, ce qui n'était jamais bon signe. Tove continuait de la fixer. Il ne perdrait pas à une bataille de regard, surtout pas contre elle.

« Tu sais Enska Storminn, faut le dire si tu tiens tant à t'impliquer dans ma vie sexuelle. On peut s'arranger. »

Il entreprit ensuite de s’asseoir là où Enska lui proposait. C'était carrément louche, et ça sentait le mauvais coup à plein nez, mais il tenait vraiment à cette place, et apparemment, ils n'avaient pas l'air disposés à faire un coma éthylique ailleurs, donc bon …

« Et le seul endroit approprié pour installer le matériel, c'est sous tes fesses. Allez, hop. » Il passa un bras dans le dos d'Enska, un autre sous ses genoux, et la déplaça de quelques mètres, bousculant les deux autres sans trop de pitié. « Tu comprends, faut que je me dépêche, sinon les conditions seront plus réunies. Silence, maintenant, c'est l'heure de la science. »

Il installa tranquillement son matériel avant qu'aucun de ces imbéciles ne décide de le saboter, lançant en même temps quelques sorts supplémentaires. Et voilà ! Il n'avait plus qu'à se brancher sur les bonnes fréquences pour capter un message extra-terrestre !
Santé, pensa-t-il en prenant une autre gorgée.

Bill croqua dans la chocogrenouille sans trop se poser de question. Dans sa petite bouche se mélangeaient alors le goût sucré du chocolat et celui de la bière, tandis qu'il observait de ses yeux ronds les trois autres personnes.

Tout cela lui semblait bizarre, entre Tove qui fornique avec le château entier - le jeune blond se demanda un instant s'il le faisait aussi avec les goules ? -, l'ambiance qui devenait quelque peu acide et surtout le fait qu'le grand s'installe à leurs côtés alors que les filles étaient claires : elles ne voulaient pas de lui.

Le jeune garçon ne su pas trop où se positionner. D'un côté, il adorait ses amies Nebuula et Enska. Mais d'un autre, il vouait un culte pour le préfet des blaireaux. Il ne dit rien, les yeux scrutant les moindres détails de la scène. Les pulsations de son cœur furent plus fortes lorsqu'il s'installa tout près d'Enska. Et s'il allait enfin devenir leur ami ?!

Il esquissa un sourire discret à cette pensée.

Bon, ce n'était visiblement pas gagner au vu des réactions, mais Bill allait tenter le tout pour le tout.

– Tove ! T'es le bienvenu ici ! dit-il dans un rire. Mais dis moi, c'est quoi exactement tout ça ? demanda t-il ensuite en pointant du doigt le bric à brac.

Il retourna sa tête vers ses deux amies.

- Non mais arrêtez les filles, je suis sûr que ça vous intéresse aussi !

Il rit de nouveau un coup puis, alors qu'il n'avait pas l'habitude de faire ça, il passa sa main dans ses cheveux roses. Ah, l'influence de Tove...

Avant de boire une gorgée, il s'adressa à Nebuula.

- Ta choco' était vraiment délicieuse Bubulle ! T'en as pas une pour Tove ? On doit tout se partager à Poufsouffle !

Il pouffa derrière sa main puis but de nouveau, les rayons du soleil illuminant son sourire niais.

-Tove, mon chou, occupe toi de tes fesses, ça vaudrait mieux pour toi. D’ailleurs si tu pouvais t’en occuper ailleurs que dans mon champs de vision ça nous arrangerait grandement.

La jeune fille avait beau être ivre, elle n’en était pas moins parfaitement consciente et la moutarde commençait à lui monter au nez. Nebuula se pencha vers sa meilleure amie et lui chuchota à l’oreille :

-On lubrifie avant ou pas ? Malgré elle, elle se mit à ricaner. Elle fut complètement et définitivement dégoûtée en voyant Tove s’emparer d’Enska pour la déplacer. En plus de lui proposer de manière délicate de coucher avec lui. Désolée, j’ai pas de lingettes désinfectantes.

Elle vida sa bouteille avec l’oeil mauvais, ce qui ne présageait rien de bon.

-Non, ça ne nous intéresse pas du tout. Lança-t-elle bien fort en réponse à la question de Bill. Nebuula était vraiment très mal à l’aise avec tout ce qui pouvait avoir un rapport de près ou de loin avec la divination, ainsi qu’avec d’éventuels extra-terrestres, et Tove cumulait tout cela. En plus de vouloir séduire la moitié du château. Exaspérée, elle leva les yeux au ciel en voyant son seul ami Poufsouffle passer sa main dans les cheveux. Bill, tes cheveux étaient très bien avant. Et non, je n’ai plus de chocogrenouille.

Sur ces mots, elle en sorti trois de son sac, les lançant à ses deux amis. Si Bill lui donne la sienne, je le noie. Bien évidemment, elle n’en avait pas l’intention, et elle ne le ferait pas. Bubulle détestait être vilaine avec Bill, qui était si adorable, mais elle détestait encore plus Tove quand il était dans les parages, parce qu’elle voyait très bien qu’il l’influençait. Mademoiselle Murphy n’avait jamais eu de frère ou soeur, et son instinct protecteur, ce manque, elle le reportait à sa façon sur Bill. Elle voulait le protéger, le préserver de tout. Elle lui lança un regard humide et plein de tendresse. Ivre, ses sentiments étaient décuplés.

- C'est pas vrai Bubulle, il ment ! Et il veut profiter que tu sois fin saoule pour te raconter n'importe quoi.

Enska riait à la suggestion de son amie d'utiliser du lubrifiant quand elle sentit des mains abjectes s'immiscer de part et d'autre de son corps. La prenant totalement au dépourvu, Tove fut plus rapide qu'elle et Enska ne commença à se débattre que lorsqu'il l'avait déjà presque déposée à terre, à quelques centimètres de l'endroit où elle était installée auparavant.

- Repose encore une fois tes sales pattes sur moi et tu perdras ce qui fait de toi un semblant d'homme, je te le garantis, Winch, marmonna-t-elle entre ses dents.

Enska, cracha alors littéralement son mépris aux pieds de Tove, dans une parfaite imitation des gardiens de dragons qu'elle avait vus faire une centaine de fois, en grandissant auprès d'eux. Elle poussa un soupir dédaigneux et entreprit de remettre ses vêtements à leur place. Elle s'assit ensuite de l'autre côté de Nebuula en observant Tove déballer et arranger son matériel étrange.

- Si, si. Ça m'intéresse vraiment. Qu'est-ce que tu comptes faire avec tout ça, Winch? Te griller le peu de neurones qui te reste?

Elle se pencha alors pour ramasser sa bouteille, qui était restée coincée dans les racines du chêne. En se redressant, elle attrapa le chocogrenouille que Nebuula venait de lui lancer, puis la déballa en continuant de regarder Tove bidouiller ses machines.

- Billou, on est pas à Poufsouffle, nous, dit-elle d'un ton condescendant en se montrant, Nebuula et elle, du pouce. On est pas tenues de respecter vos traditions débiles. Enfin, on peut pas vous le reprocher, c'est tout ce que vous avez vraiment, dans votre maison...

Discrètement, elle s'empara d'un caillou aussi gros qu'une noix et le lança sur la bouteille de Bièraubeurre que Tove lui avait volée. Le verra se brisa dans les mains du préfet des Poufsouffle, répandant le liquide partout autour, éclaboussant Tove et ses machines. Les bris de verre tombèrent ensuite aux pieds de Tove. J'espère que ça t'a fait mal. Un sourire satisfait accroché aux lèvres, Enska croqua un bout de son chocolat.

Tove resta figé pendant quelques secondes avec le sourire le plus plastique plaqué sur le visage, pendant que sa main ouverte dégoulinait de bièraubeurre et de sang. Les débris de verre causés par l'explosion de la bouteille étaient venus arroser Nebuula et Bill, toujours occupés à se rouler sur le sol, après avoir entaillé sa main. Il ne daigna pas offrir à Enska la moindre démonstration de douleur, restant parfaitement souriant. Ça piquait. L'alcool allait désinfecter la plaie, remarque, c'était déjà ça de gagné.
Il regarda Enska. Le « peu de neurones qui lui restaient » étaient employés à se demander comment une créature aussi perfide pouvait exister, et de quelle façon il allait bien pouvoir l'assassiner. Tout pacifiste qu'il était, il rêvait éveillé de pouvoir cacher son corps là où jamais personne n'allait le trouver. Et faire de même avec Murphy. Dans l'état où elle était, elle ne ferait pas sa difficile. Le problème restait Bill, il risquait de protester, voire de les défendre. Mais dans l'état de colère où il était, il aurait tué Bill aussi si il le fallait. Sans état d'âme.

Pense Poufsouffle, bordel de merde.
Il respira un grand coup par le nez, et sourit de plus belle, avant de lécher de façon suggestive une goutte de bière qui avait coulé le long de son poignet.

« C'est plus trop ce que c'était, les jeunes filles bien élevées de bonnes familles. Ça crache, ça jure, et puis ça montre bizarrement son hospitalité. »

Il essuya négligemment la paume de sa main sur le devant des vêtements d'Enska (non non, sans lui toucher les seins vous croyez quoi), et décida d'ignorer les filles à partir de cet instant. Il fit à Bill un sourire à 50000 watts même si il avait plutôt envie de lui filer quelques claques pour qu'il arrête de pouffer comme un imbécile.

« Billy-chou il est temps que tu te poses quelques questions sur ta place dans l'univers. Tu sais, envisager les choses à une plus grande échelle. » il lui plaça d'autorité un fil dans la main. « ok, tiens moi ça et lève le bras bien haut. »

Non, décidément, toute la magie avait disparu. Ces gros bâtards lui avaient fait passer l'envie de communiquer avec des aliens et franchement fallait le faire. Il fila un autre truc à Bill, une antenne.

« Ça aussi, tu tiens très haut. Lâche pas hein ! »

Ça n'aurait sûrement pas marché, de toutes façons. Ouais. Les calculs étaient faussés. Mauvais jour, mauvaises ondes, mauvais karma, il aurait du faire confiance à son horoscope.

« Et tu répètes quatorze fois l'incantation. « Je suis un gros bouffon, oh, entendez mon appel, créatures cosmiques ! » en tournant sur toi même, mais en gardant les trucs dans les mains sans les emmêler. Sinon, tu recommences. »

C'était moche, de passer sa mauvaise humeur sur la seule personne qui le soutenait un tant soi peu dans l'affaire, mais ça défoulait. Bill n'avait qu'à trouver de meilleures fréquentations à l'avenir.
Puis il joua avec les boutons de la machine comme si il effectuait un savant réglage, causant un terrible ultrason, avant de se lever, souriant toujours.

« Vous avez vu l'heure ? Faut vraiment que je vous laisse », il ronronna. « J'ai des gens à voir, des arbres à baiser, etc. Cuvez bien, en espérant ne pas vous revoir. »

Et puis il se cassa.