-Très bien professeur, je n’y manquerais pas !

Nebuula Murphy sortait de son cours de métamorphose à reculons, profitant d’une pause dans sa journée de cours pour discuter avec la directrice de sa maison, qui était aussi un professeur qu’elle appréciait énormément. Elle lui souhaita une bonne journée et sorti enfin de la salle de classe. Lorsqu’elle ferma la porte elle tomba nez à nez avec Meredith River, de Poufsouffle.

Voilà une petite semaine que Nebuula sortait avec Liam Nielsen, élève de septième et dernière année de Serdaigle, dont elle avait toujours été amoureuse. Mais avant cela, il était sorti très brièvement avec la jeune fille aux cheveux rouges qui était en face d’elle. C’était d’ailleurs de cette manière que Bubulle s’était rendue compte de ses sentiments pour Liam. Néanmoins, la rouquine n’avait absolument pas apprécié qu’il fricote avec une fille qu’en plus elle n’aimait déjà par au départ. Encore aujourd’hui, elle en était profondément blessée. Et voilà qu’elle se retrouvait face à elle. Pour la première fois.

Les yeux grands ouverts, elle se contenta de la fixer, de ses yeux verts émeraude sans savoir quoi dire. Plusieurs émotions se mêlaient entre elles, et Nebuula ne savait absolument pas quelle attitude adopter. Ni même si Meredith était au courant qu’elle sortait avec Liam, maitenant. Ni si il lui avait parlé depuis qu’il avait rompu avec elle. Cette pensée fit naître une pointe de jalousie. En plus de la jalousie qu’elle ressentait déjà, du fait que Meredith avait couché avec son Liam.

En arrivant devant mon dortoir, j’avais défait mon sac et rangé mes livres, tout en songeant qu’il fallait que je retravaille un peu les notes que j’avais glissées dans celui de métamorphose. Sauf qu’il n’était pas dans mon sac. Ni dans ma valise. Je l’avais donc probablement oublié en classe.

Avec un gros soupir, je m’étais donc décidée à retourner au quatrième étage, maugréant mentalement au sujet des étages qu’il fallait que je gravisse pour récupérer mes gribouillis infâmes. Je débattais mentalement avec moi-même pour tenter de deviner la réaction du professeur McGonagall quand je me retrouvais face à Nebuula, qui fermait une porte derrière elle. Porte que je pensais trouver ouverte, et sans personne devant. Inutile de dire que si j’avais évité la collision j’étais bien plus proche d’elle que ce que j’aurais souhaité.

Dans un réflexe qui me surprit moi-même, je fis un pas en arrière et m’écartais un peu pour lui laisser assez d’espace pour passer. J’avais beau détester cette fille, ma mère m’avait bien appris qu’on laissait d’abord sortir les gens.

« J’imagine que les félicitations sont de rigueurs pour ta mise en couple avec Nielsen. »

Ca avait été dur d’apprendre que Liam m’envoyait promener pour une autre. Mais ça avait été pire quand j’avais compris que c’était pour Nebuula. Le Serdaigle n’ayant pas eut l’honnêteté de me le dire, je ne l’avais su qu’en rentrant aux Trois Balais, où elle se trouvait sur ses genoux. Serrée contre lui. Je ne me souvenais plus de tout les détails, mais je me rappelais avoir fait demi-tour et être rentrée au château assassiner mon oreiller à coup de poings, ce qui m’avait poussée à les éviter comme la peste pour ne pas prendre le risque de déclencher une bagarre.

Et voilà que maintenant je me retrouvais nez-à-nez avec Nebuula, que tout le monde semblait adorer. Elle avait des tonnes et des tonnes d’amis, quand moi je devais pouvoir les compter sur les doigts d’une main. Probablement parce qu’avec moi c’était tout ou rien. En amour aussi d’ailleurs, et j’en avais fait les frais.

« J’espère qu’au moins vous êtes heureux, que ça en vaille la peine! »

Elle n’était probablement pas fautive, mais je lui en voulais quand même.

Elle observa River faire un pas de côté pour lui laisser une chance de s'éclipser, mais elle n'en fit rien. Quelque chose l'en empêchait mais elle n'arrivait pas à trouver quoi. Nebuula se contentait donc de l'observer en silence. Gênée, elle remit la hanse de son sac en place sur son épaule et bascula le poids de son corps d'un pied à l'autre. C'est alors que Meredith ouvrit la bouche et lui balança des félicitations. La Gryffondor se contenta de la toiser froidement. Que pouvait-elle faire de plus, de toute façon ?

Si elle avait été en présence d'Enska, elle lui aurait certainement rit au nez et l'aurait envoyée sur les roses, en prenant bien la peine de trouver une phrase qui la blesserait. Mais là, elles se trouvaient dans un couloir complètement vide, personne pour les observer ou les juger. Ni pour répéter ce qu'il se dirait. Mais du coup, Nebuula ne savait vraiment pas quoi lui dire. Le petit côté garce en elle ne demandait qu'à sortir, à étaler son bonheur tout neuf sur la tartine de l'amour et à la faire ingurgiter de force à Meredith.

Mais ainsi donc, elle était au courant. Comment pouvait-elle le savoir, au juste ? Non pas qu'ils s'étaient montrés particulièrement discrets, mais Meredith semblait avoir disparu de la circulation, depuis l'incident. Elle avait beau l'observer sous toutes ses coutures, elle n'arrivait pas à savoir si la Poufsouffle éprouvait de la peine ou de la colère. Ou même quoi que ce soit. Elle poussa un soupir.

-Comment l'as-tu su ?

Sa voix était un peu rauque, légèrement modifiée par toutes les émotions contradictoires qu'elle ressentait. Elle avait presque de la peine pour elle, mais Nebuula préférait rester en retrait par rapport à tout cela, ne sachant absolument pas ce que Meredith lui réservait. Discrètement, elle plongea sa main dans la poche de sa robe de sorcière et toucha sa baguette. Rassurée par ce contact, elle savait désormais que quoi qu'il se passait, elle était prête.

Comment, hein? Plissant le nez, je grimaçais légèrement : on ne pouvait pas dire que j’avais envie de parler de ça avec elle. Néanmoins, pour une fois, elle ne paraissait pas prête à m’égorger. Alors autant lui donner ce qu’elle voulait, peut-être qu’elle me laisserait passer pour que je puisse enfin récupérer mon maudit bouquin.

« Je vous ai vus aux Trois Balais, tu étais installée sur ses genoux. »

Regardant ailleurs, je mis un léger coup de pied dans un caillou imaginaire, cherchant mes mots. Je n’arrivais pas à déterminer ce dont je voulais bien parler et ce que je voulais cacher. Peut-être que, pour une fois, le mieux était de tout déballer?

« Il ne m’avait pas dit qu’il était amoureux d’une autre. De toi, en l’occurrence. Je pensais qu’il était libre, et je n’ai su que c’était pas le cas que quand il a voulu tout arrêter. »

Quand je lui ai dit que je l’aimais. Mais ça, je ne pouvais vraiment pas me décider à le lui dire. Mieux valait qu’elle l’ignore, au moins elle ne pourrait pas s’en servir contre moi. Je frottais le sol du bout de mon pied, puis je fourrais mes mains dans les poches de ma robe de sorcière, faute de savoir quoi en faire d’autre.

« Si j’avais su avant... »

Au lieu de finir ma phrase et de déclarer que je n’aurais rien fait avec Liam, je me contenter d’hausser les épaules.

Aux Trois Balais donc ? Bubulle se remémora son premier rendez-vous avec Liam, ce qu'il s'était passé, ce qu'il y avait pu avoir de compromettant. Qu'avait-elle bien pu voir ? A quel moment les avaient-elle vus ? Parce que, d'un autre côté, Nebuula s'installait vraiment souvent sur les genoux de Liam... Mais, en se rappelant vraiment tout ce qu'ils s'étaient dit ou fait, elle du bien se résoudre à admettre qu'il ne pouvait pas y avoir de quiproquo. Jamais encore les deux jeunes gens avaient été si proches. Cela ne servait à rien de prendre Meredith pour une idiote, surtout qu'elle finirait forcément par les voir s'embrasser dans les couloirs, ou au bal...

Mais alors que Meredith commençait à s'expliquer, tout devenait plus clair dans son esprit. La Poufsouffle semblait presque regretter ce qu'elle avait fait. Nebuula détourna le regard, tentant de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Ne te mets surtout pas en position de faiblesse. Ne lui donne aucune arme. Tu ne sais pas si elle ne voudra pas le récupérer plus tard. De toute façon, si elle tentait quoi que ce soit, Bubulle la noierait.

-Je... Je ne savais pas qu'il était amoureux de moi. Ce n'était que la pure vérité. Aussi cruelle pouvait-elle être à entendre. Le coeur de Nebuula battait à tout rompre dans sa poitrine. Quelque chose d'important était en train de se passer. J'ai mis du temps à me rendre compte de mes sentiments. Je n'ai pas choisis ce moment.

Nebuula ne savait pas tout ce qui s'était passé. Pour elle, Meredith n'était qu'une fille à la cuisse légère, et sa relation avec Liam n'était pour elle qu'une histoire de coucherie. Elle ne pu s'empêcher de la regarder des pieds à la tête, se comparant à elle. Un frisson écœurant la traversa, en se rappelant que Liam avait du être allongé sur ce même corps. Elle inspira un grand coup pour chasser cette affreuse image de la tête.

-Et oui, on est très heureux.

« Bon bah au moins il ne m’aura pas brisé le coeur pour des prunes! J’imagines que ça devrait être une consolation. »

Fis-je, d’un ton amer, quand Nebuula me balança qu’ils étaient très heureux. Et à l’instant où je terminais ma phrase, je me rendis compte que j’en avais trop dit. En me mordant l'intérieur des joues, je décidais qu'au point où j’en étais, je pouvais bien balancer les quelques détails qu’elle ne connaissait pas encore. Après tout, Liam finirait bien par lui en parler et je ne savais pas quelle serait sa version de l’histoire. Elle n’en ferait rien, mais au moins elle aurait entendu la mienne.

« Parce que ouais, je l’aimais. Sauf qu’avec sa délicatesse et son tact légendaires il m’a annoncé, juste au moment où je lui ai avoué, qu’il en aimait une autre. Depuis le début. Et qu’il n’avait jamais rien ressenti pour moi. Et qu'il ne voulait plus me voir. Alors ouais, sois heureuse, mais si tu essayes de me balancer ton bonheur à la gueule je te jure que ça va mal se passer parce que j’ai déjà eut ma dose de malheur, ok? »

Mon ton s’était fait agressif au fur et à mesure que je parlais, et je me forçais à expirer lentement par le nez pour me calmer. Ce n’était pas le moment de m’énerver. Parce que j’aurais voulu m’en aller pour couper court à cette conversation, mais que je ne pouvais pas. Maudit bouquin.

« Maintenant... »

Fis-je, en m’efforçant d’adopter un ton qui se voulait aimable, tandis que j’essayais de me décrisper.

« Si tu voulais bien te pousser de devant cette porte, j’aimerais aller récupérer un bouquin sans avoir besoin de te bousculer. »

Parce que Merlin, elle avait toute la place qu’elle voulait pour passer! Je m’étais écartée pour elle, bordel. Alors je me jurais intérieurement que si elle ne décidait pas de bouger, je la choperais par les épaules et la ferais dégager de force.

Nebuula aurait préféré que Meredith se taise. Elle aurait préféré qu'elle dise n'importe quoi d'autre. C'était pire que tout ce qu'elle avait bien pu imaginer. Meredith était amoureuse de Liam. Son Liam. Dans ses poches, ses mains se mirent à trembler.   Elle serra les poings, comme pour s’empêcher de les mettre autour de son cou. Nebuula se força à rire.

-Non mais, tu t’entends ?! Tu ne le connais même pas…

En fait, personne ne connaissait Liam mieux qu’elle. Et malgré tous ses défauts, Bubulle fut tentée de lancer un ‘Petrificus Totalus’ sur la Poufsouffle pour l’accrocher au Saule Cogneur et la laisser là. A la place, elle rassembla tout son courage, et dit, sans trop réfléchir :

-Liamour ne m’a strictement pas parlé de toi. En fait, nous avons d’autres sujets de conversation. Mais saches une chose. Si j’avais sû avant que tu… Non, Bubulle ne pouvait pas admettre que Meredith ait pu tomber amoureuse de lui. Non pas qu’il n’était pas séduisant et qu’il n’y avait rien d’intéressant chez lui, bien au contraire. Mais elle ne supportait tout simplement pas l’idée que quelqu’un d’autre ait pu espérer l’avoir pour elle toute seule. ... que tu était attachée à lui… Et elle insista bien sur le mot ‘attachée’. Je n’aurai jamais rien dis. J’aurai continué de subir ce que je vivais depuis six ans. En espérant que mon tour vienne un jour.

Cette simple perspective lui donnait envie de se jeter dans le lac. Ou du haut de la tour d’astronomie. Plus les jours passaient, plus elle se rendait compte de l’étendue de son amour pour Liam. Elle l’avait toujours aimé. Mais si elle avait patienté jusqu’à ce qu’il s’en aperçoive lui-même, peut-être auraient-ils perdu de nombreuses années. Encore plus que maintenant.

Nebuula fit deux pas de côtés, comme pour s’assurer que Meredith ne la toucherait pas. Si, malgré tout, elle se permettait de la bousculer, Bubulle ne répondrait plus de rien. Le menton haut, elle l’a défia du regard.

« J’ai jamais dit le contraire... »

Mais je connais certaines facettes de lui dont tu n’as même pas idée, fillette. Je n’avais pas prononcé la seconde partie de ma phrase, alors qu’on entendait clairement dans mon intonation qu’il aurait dû y avoir une suite à ce que j’avais prononcé. Mais Achéron m’en voudrait si je jetais de l’huile sur le feu. Si j’avais un peu de chance, elle y penserait toute seule. J’espérais.

Je plissais le nez à l’entente du surnom ridicule dont elle avait affublé Liam. Liamour? Sérieusement? Je fronçais légèrement les sourcils quand elle poursuivit, cherchant à bien intégrer tout ce qu’elle disait. Et je finis par lever les yeux au ciel quand elle parla de continuer à subir ce qu’elle vivait depuis six ans.

« Et tu subissais quoi, au juste? En dehors d’une super amitié, évidemment. »

Fis-je, ironique jusqu’au bout des ongles. Elle me prenait vraiment pour une imbécile. Des amitiés comme elle avait avec Liam, je voulais bien en subir! Je m’apprêtais à remercier Nebuula de s’être écartée, sans le penser le moins du monde mais après tout c’était mieux d’être polie, quand je la vis me défier du regard.

« T’es sérieuse là, Murphy? T’as Liam. Qu’est-ce que tu veux de plus? J’compte pas te le piquer, j’vais pas perdre mon temps pour un mec pas intéressé et casé, en prime. »

Fis-je en lui passant devant, sans la bousculer, tandis que je roulais des yeux exaspérés. Puis, sans plus lui prêter la moindre attention, je frappais à la porte et entrais dès que j’en eus la permission.

Il ne me restait plus qu’à espérer qu’elle serait partie quand je sortirais.

Nebuula s'était rendue compte trop tard qu'elle avait employé le surnom avec lequel elle appelait Liam depuis... toujours. Mais bon, qu'importe, après tout, c'était son petit ami. La réaction de Meredith l'exaspéra au plus haut point. En plus du fait qu'elle avait l'air de s'en foutre royalement du sacrifice que Bubulle aurait envisagé. Il y a des gens comme ça, ingrats, qui ne méritent pas que l'on s'intéresse à eux.

-En dehors d'une amitié à toute épreuve, je vivais un amour qui me paraissait impossible, à tel point que je l'ai refoulé. En dehors de cette amitié, de cet amour, je le voyait "sortir" elle mima avec les doigt les guillemets, et ça, ce n'était pas elle qui le disait, Liam lui-même disait qu'il n'avait jamais eu de relation sérieuse. Avant elle. avec des filles dans ton genre, sans jamais pouvoir ne serait-ce qu'imaginer pouvoir en faire de même.

Quelque part, Bubulle se senti rassurée. Meredith n'avait pas l'air d'être une flèche, ce qui était plutôt à son avantage. Cette fois-ci, elle avait bien la confirmation que ce qui avait attiré Liam, ce n'était pas sa personnalité, ni son intelligence. Et elle aussi, elle avait un corps et vu les ardeurs de Liam, il semblait beaucoup l'intéresser.

La tête toujours haute, elle l'a regarda toquer, puis entrer dans la salle de classe. Lorsqu'elle était sûre d'être seule, elle lui fit une grimace.

-Pauvre cruche !

Nebuula tourna le dos et s'en alla, le coeur encore plus léger qu'avant. Finalement, cette conversation lui avait fait du bien. Puisque l'heure allait se finir, elle décida d'aller chercher Liam à la sortie de son cours, peut-être pourront-ils se promener un peu dans le parc...