Si tu devais affronter un détraqueur
Paralisé.
Le sang glacé.
La cape grise aux mains putréfiées s'approche de moi.
Mais mes yeux ne la voient pas.
Les souvenirs m'assaillent et m'écorchent de l'intérieur.
Me bousillent toujours un peu plus le coeur.
Chaque voix est une musique. Douce, belle, ou même dramatique. Celle qui me hante est un soprano léger, presque inaudible. Emprunte de timidité, et d'une tendresse sensible.
Elle me chantait des berceuses, et me disait des mots aussi beaux que sa mélodie. Elle m'apprivoisait, malgré tous les non-dits.
Le soir, elle pansait mes blessures. Les bleus sur les joues, et le sang aux commissures. Elle posait ma tête tout contre sa poitrine. Je peux encore entendre son coeur qui tambourine.
Je crois qu'elle aussi elle souffre. Je voudrais lui dire de s'éloigner du gouffre. Qu'il n'est pas le Soleil, mais elle si. Qu'il ne l'éteindra plus jamais, que tout est fini. Mais on s'en rapproche toujours un peu plus. Elle m'entraine avec elle, même si je n'en peux plus.
Les hématomes n'ont même plus le temps de disparaître. Avant que d'autres naissent et élargissent leur diamètre.
Puis un bras cassé.
Il lui répare d'un coup de baguette avisé. Et d'un coup tout s'enchaine. Il déclenche la haine. Les os craquent encore une fois. Ca ne lui suffit pas.
Le cri déchirant du soprano se mêle au rire sadique du bariton.
"Endoloris !"
Elle se tord sur le sol, les voix me vrillent les tympans. J'assiste à la scène en tremblant. Je vois le couteau. Sous un jour tout nouveau. Le sang coule, et cette fois ce n'est pas le mien. Ses prunelles se révulsent. C'est tout le mal qu'il expulse.
Pris de folie, mes pieds frappent sa chair. Je rends tous les coups au centuple à mon père. Il est déjà parti mais je m'acharne. Pour moi, pour elle, avec hargne.
Je n'entends plus le soprano léger. Les sons qui m'entourent sont emplis de gravité.
Tout autour de moi, les choses semblent flous. Je sens que je perds pied, mais je m'en fous. J'attends juste un baiser. De la part de l'être décharné.
Mais on ne choisit pas quand est-ce que l'on va mourir pas vrai ?
La vie serait beaucoup trop simple, ce serait un véritable regret.
Si tu devais rencontrer un épouvantard
J'ai peur de beaucoup de choses. Trop sans doute. Le feu, la vie, la mort, le tonnerre, les insectes qui piquent, les gros chiens, les mangemorts... Cependant, je pense avoir une image assez précise de la forme que prendrait l'épouvantard, si je venais à en croiser un sur ma route. Parce que je sais que la chose qui m'effraie le plus, c'est d'imaginer mon père toujours vivant.
Au fond, il aurait pu juste s'être évanouit... Je suis parti tellement rapidement après sa mort présumée, comment en être certain ?
Alors, si la créature venait à me rencontrer, elle ressemblerait à un homme faisant un bon mètre quatre-vingt-cinq, blond, les yeux presque noirs. Son regard sadique et familier me transpercerait avec un air de défi.
Mais je me prépare à cette rencontre depuis bien trop longtemps. Je saisirais ma baguette magique, et crierais :
"Ridiculus !"
L'homme se verrait alors recouvert de bleus, et surtout avec un gros oeil au beurre noir. Il aurait même le bras en écharpe. Et d'un rire glacial devant ce spectacle dont j'ai rêvé tant de fois, je ferais disparaître l'épouvantard.
Si tu étais devant le Miroir du Risèd
J'ai souvent entendu parlé de ce miroir, bien que je n'ai jamais pu voir mon reflet y apparaître. J'ai autant de désirs dans la vie que de peurs, si j'y songe vraiment.
Si je me trouvais devant le miroir du Ridèd, je pense que je m'y verrais auprès de ma mère. Ses boucles blondes, et les deux émeraudes qui embellissaient son regard, envahiraient mon champ de vision.
Mais ce serait une mère très différente. Une mère heureuse, avec des pattes d'oies au coin des yeux, et des ridules près de la bouche à force de trop sourire. Une mère plus ronde, moins squelettique que celle que j'ai connu. Une mère qui me prendrait dans ses bras, et dont le soprano ne serait plus léger et timide. Une mère à qui je pourrais parler. Une mère dont la peau de pèche ne serait plus jamais ornée de traces sombres et macabres. La mère dont je rêvais enfant, et que j'aurais tant aimé connaître. Que j'aurais tant voulu aimer de toutes mes forces.
Je pense que je la prendrais par la main, et que je la ferais tourner sur elle-même, lentement. Et elle rigolerait. Comme une enfant, un rire dont on a envie de se souvenir toute sa vie. Puis elle me serrerait tout contre son coeur, comme elle le faisait quand j'étais petit. Je me blottirais dans sa chaleur...
Je m'éloignerais cependant bien vite du miroir. Car j'ai peur, si un jour je vois ainsi ce que j'imagine, de devenir totalement fou. De ne plus pouvoir détacher mes yeux de cette vie dont on m'a privé.
Vivre dans un songe ne vaut pas le coup, le réveil fait d'autant plus mal.
Si tu étais Ministre de la Magie
Je n'ai aucunement l'ambition de devenir un jour Ministre de la Magie. Être derrière un bureau n'est pas la vie dont je rêve en tant que sorcier.
Cependant, si tel était mon destin, je pense que j'essaierais de changer les choses. De nommer aux différents départements des gens de confiance. De ne plus faire appel à des créatures maléfiques comme les détraqueurs pour des taches pouvant être effectuées par d'autres.
Je n'ai jamais vraiment apprécié Cornélius Fudge. Il pense être le décisionnaire, alors qu'il n'en est rien. Du moins, c'est l'impression qu'il donne. A sa place, j'aurais décidé de vraiment prendre les rennes, et de faire attention. D'essayer de mieux comprendre les enjeux des situations auxquelles je pourrais être confronté.
Puis je m'occuperais personnellement du programme des élèves de Poudlard. Quand on voit le résultat actuel de la politique du ministère sur l'éducation, il y a de quoi s'inquiéter non ?
Si tu devais raconter une anecdote importante
Une anecdote importante...
Je crois avoir croisé quelqu'un que je connais dans les couloirs. Mais elle ne m'a pas reconnu. En même temps, c'est peut être moi qui me trompe...
Puis nous étions tellement petits... Nous avions l'habitude de faire des châteaux de sables ensemble. Je l'aimais bien, elle me faisait rire. Elle me sortait de mon quotidien, me montrait que la vie pouvait être presque belle et drôle quand elle le voulait.
Parfois, on chantait tous les deux. Certes, nous ne connaissions que la moitié des paroles. Elle, elle fredonnait du Brel, et moi du Piaf. A croire que nous étions fais pour nous rencontrer non ?
J'ai souvent pensé à elle quand je suis parti. Je me demandais ce qu'elle devenait, ce qu'elle faisait. Puis les souvenirs se sont éloignés. Jusqu'à ce que je vois cette fille, les yeux baissés sur une machine à écrire.
Cela me parait tellement étrange de la retrouver ici. Pourquoi aurait-elle fini à Poudlard ? Après tout, elle est née moldu, nos chemins n'auraient jamais du se recroiser. Puis, pourquoi l'Angleterre ? Si elle avait vraiment été une sorcière, en toute logique, elle aurait du finir à Beauxbâtons. Enfin, je suppose...
Il faut absolument que j'arrive à aller lui parler sans éveiller ses soupçons.
Si tu parlais de tes rapports avec les autres
Je suis de nature très réservée. J'ai du mal à aller vers les autres, et les amitiés que j'ai pu avoir jusqu'à présent sont bien rares. Cependant, je suis toujours disponible et à l'écoute si quelqu'un en ressent le besoin.
Autant je n'arrive pas à parler de moi, autant j'aime beaucoup écouter. Je suis d'ailleurs de bons conseils la plupart du temps.
J'ai tendance à avoir, malgré ma grande timidité, de bons rapports avec les professeurs. Je suis quelqu'un de sérieux et d'attentif, ce qui doit sans doute jouer en ma faveur.
Mes camarades de classes m'évitent le plus souvent possible, mais il y en a quand même un ou deux qui me disent bonjour le matin, ou qui me parlent pendant la journée. Bien que ce ne soit que par pure politesse, c'est toujours plaisant de ne pas rester muet lorsque la vie nous a offert la parole.
Au final, celui dont je suis le plus proche, c'est mon chat. Je l'ai trouvé peu après être arrivé à Londres. Nous avons erré tous les deux, puis nous nous sommes finalement attachés l'un à l'autre. Je l'ai appelé Uric. Comme Uric le Follingue. Puis, je me suis aperçu qu'Uric était en réalité une femelle. Elle n'a jamais voulu répondre à un autre nom, alors elle porte un nom masculin. A croire qu'elle est une sévère militante pour les droits des femmes du haut des ses quatre pattes. Nous nous comprenons bien tous les deux, il n'y a pas besoin de mots. Quand je suis triste, elle vient se blottir sur mes genoux. Le reste du temps, nous essayons de nous laisser de l'espace. Elle mène sa vie de chat dans le parc, et moi ma vie d'homme.
Autre chose à ajouter te concernant ?
Je joue du violon depuis que je suis tout petit. C'est la seule chose qu'il me reste de ma mère, sans compter la couleur de mes yeux... Alors, dès que j'en ai l'occasion, je cherche un coin tranquille dans le parc du château. Je m'assois par terre, et je joue. Jusqu'à ce que la nuit tombe, que mes doigts saignent, qu'il manque des crins à l'archet. Je tire toutes les notes que je peux de l'instrument.
Parfois, Uric vient m'écouter. Je vois ses yeux jaunes qui m'observent de loin. Mais le plus souvent, je reste seul. Un moment d'intimité, où je joue pour le ciel.
Son soprano remplacé par celui de mes cordes.
Quand je dois parler de choses trop dures à supporter pour ma conscience, je m'exprime en rimant. La poésie m'a toujours apaisé...