Juillet 1987. Nebuula Murphy était une enfant de huit ans plutôt dégourdie. Un mardi matin, elle engloutit son petit déjeuner comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours. Des semaines même. Sa maman l'avait forcée à porter une robe, plutôt que son éternelle salopette et seul l'argument "Ça va plaire à Abel" l'avait convaincue. L'estomac bien plein, Bulle s'était échappée de la maison pour aller sonner chez leurs voisins les plus proches, les Ó Seachnasaigh, qui avaient ramené l'année précédente un enfant qu'ils avaient depuis adopté. Cet enfant avait tout d'abord intrigué Nebuula. Il ne parlait quasiment pas anglais. Sinon, il ne s'exprimait que dans une langue aux consonances parfaitement étrangères à notre rouquine. Mais chaque jour, elle était revenue le voir. A force d'essais infructueux, Nebuula découvrit qu'il parlait un peu français. Aussi bien qu'elle, du moins. A partir de cet instant, elle s'était donné comme unique mission de lui apprendre l'anglais, n'imaginant pas une seule seconde que ses parents adoptifs en étaient tout à fait capables. D'ailleurs, au final, il laissèrent tomber l'idée de donner des cours à Abel, puisque la gamine revenait chaque jour avec des tonnes de livres, ou l'embarquait dans de longues balades où ils revenaient tous deux les genoux éraflés, les vêtements maculés de terre, les coudes verts à force de frotter dans l'herbe.

Peu de temps après avoir sonné, Abel accouru, près à la suivre dans de nouvelles aventures. Un immense sourire naquit sur le visage constellé de tâches de rousseur de la rouquine et elle lui prit la main avant de s'enfuir avec lui sans demander son reste. En très peu de temps, les enfants se retrouvèrent au bord d'une rivière, celle qu'il considéraient comme leur propriété, en venant ici à chaque fois qu'il faisait beau. Nebuula se débarrassa rapidement de ses sandales et pataugea avec plaisir dans l'eau avant de rire aux éclats.

-Je veux que ce soit tous les jours comme ça !